La minute droit de Maître Raison : la surconsommation d’eau en copropriété
La question de la répartition des charges d’eau est particulièrement sensible en copropriété. La pose de compteurs divisionnaires permet de déterminer exactement la consommation de chaque copropriétaire et de répartir les charges en fonction de la consommation réelle de chacun.
L’existence d’une surconsommation peut être liée à l’existence d’une fuite sur les canalisations situées dans les parties privatives. Dans cette hypothèse, le législateur a mis en place un mécanisme ayant pour objectif de résoudre les désordres le plus rapidement possible et éviter de faire porter au copropriétaire concerné la charge financière liée à cette fuite.
Ainsi, la loi Warsmann[1] a instauré un dispositif spécifique de protection des abonnés en cas de surconsommation d’eau involontaire, liée à une fuite sur une canalisation privative après compteur.
Aux termes de l’article L2224-12-4 III bis du Code général des collectivités territoriales, un copropriétaire qui verrait sa consommation augmenter de manière anormale du fait de l’existence d’une fuite d’eau peut obtenir le plafonnement de sa facture d’eau au double de la consommation moyenne en cas de fuite.
L’augmentation de la consommation d’eau est considérée anormale lorsque « le volume d'eau consommé depuis le dernier relevé excède le double du volume d'eau moyen consommé par l'abonné ou par un ou plusieurs abonnés ayant occupé le local d'habitation pendant une période équivalente au cours des trois années précédentes ou, à défaut, le volume d'eau moyen consommé dans la zone géographique de l'abonné dans des locaux d'habitation de taille et de caractéristiques comparables »[2].
Ce dispositif légal ne peut bénéficier qu’aux propriétaires de logements destinés à un usage privé et couvre donc :
- Les habitations individuelles et collectives,
- Les logements vacants ;
- Les locaux d’habitation occupés à titre de résidence principale ou secondaire[3].
L'existence d'une surconsommation d'eau impacte aussi la redevance d'assainissement de l'eau. Cependant, lorsque l'abonné bénéfice du plafonnement de la facture, "les volumes d'eau imputables aux fuites d'eau sur la canalisation après compteur n'entrent pas dans le calcul de la redevance d'assainissement"[4].
Le service des eaux est tenu d'informer l'abonné de l'existence d'une consommation anormale. L’information doit être transmise à l’abonné « par tous moyens et au plus tard lors de l’envoi de la facture ». L’information doit préciser les démarches à effectuer pour bénéficier du plafonnement du montant à régler[5].
Dans les copropriétés, le contrat de fourniture d’eau est souscrit par le syndicat des copropriétaires, qui répercute ensuite les frais auprès de chacun des copropriétaires en fonction de leur consommation. C’est donc le syndic, en sa qualité de représentant du syndicat des copropriétaires, qui est informé de l’existence d’une surconsommation. A défaut d’en informer à son tour le copropriétaire concerné, le syndic peut se rendre coupable d’un manquement à l’obligation de gestion mise à sa charge par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, et ainsi engage potentiellement sa responsabilité. Le préjudice correspondrait à la perte de chance de la victime de la fuite d'obtenir le plafonnement de sa facture d’eau[6].
En l'absence d'information de l'existence d'une surconsommation par le service des eaux, le paiement de la part de la consommation excédant le plafonnement ne peut pas être réclamé auprès de l'abonné[2].
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la victime d’une consommation excessive involontaire puisse bénéficier du plafonnement :
- La fuite à l’origine de la surconsommation doit provenir d'une « canalisation d’eau potable après compteur, à l’exclusion des fuites dues à des appareils ménagers et des équipements sanitaires ou de chauffage »[5].
La portion du réseau d’eau concernée est donc celle située en aval du dispositif de comptage individuel, c’est-à-dire la partie du réseau qui alimente exclusivement le lot privatif du copropriétaire. Seules les fuites affectant les canalisations sont prises en compte, à l’exclusion de celles qui seraient liées à un dysfonctionnement d’appareils privatifs (par exemple, la surconsommation d’eau liée à une fuite sur un robinet de baignoire[7] ou sur un mitigeur[8] ne sera pas éligible au dispositif).
- Le copropriétaire concerné doit faire réparer la fuite dans un délai d’un mois à compter de l'information de la consommation excessive par le service des eaux.
Une attestation d’une entreprise de plomberie « indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations » doit être transmise au service des eaux[2]. Cette attestation doit préciser la localisation de la fuite et la date de réparation[5].
Le service des eaux peut procéder à tout contrôle qu’il jugerait nécessaire, notamment pour vérifier les informations transmises par son abonné.
S’il ne retrouve pas de fuite et s’il suspecte une défaillance du compteur, le copropriétaire peut demander au service des eaux de procéder à son contrôle. La demande doit être formulée dans le même délai d’un mois. Si aucun défaut permettant d’expliquer la surconsommation d’eau n’est identifié, alors le plafonnement ne sera pas appliqué.
En cas de mise en jeu de sa responsabilité civile professionnelle, le syndic pourra exclure la réclamation dans l’hypothèse où le copropriétaire qui déplore n’avoir pas été informé ne démontre pas :
- qu’il a réalisé les travaux de réparation de la fuite dans le délai d'un mois à compter de l'information de la surconsommation[3].
- que la fuite était située sur une canalisation et non pas sur un appareil ménager ou un équipement sanitaire privatif[8].
1] Introduite par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
[2] Article L2224-12-4 III bis du Code général des collectivités territoriales
[3] Tribunal judiciaire de Montpellier, 15 septembre 2025, n°24/02036
[4] Article R2224-19-2 du Code général des collectivités territoriales
[5] Article R2224-20-1 du Code général des collectivités territoriales
[6] Jurisprudence constante : Cass. 3ème civ., 8 février 1999, n°92-22.124 ; Cour d’appel d’Aix en Provence 17 mars 1992
[7] Cour d’appel de Colmar, ch. 2 a, 9 janv. 2020, n° 18/01255
[8] Cour d’appel de Paris, Pôle 4 chambre 2, 24 septembre 2025, n°21/21808
La minute droit est rédigée en collaboration avec Me Anne-Lucie GAUTIER, avocate au Barreau de Paris.