Les parties communes spéciales ont été créées par la jurisprudence et entérinées par la loi ELAN. Ainsi, l'article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 fixe leur existence et leur régime juridique. Les parties communes spéciales sont définies par la loi comme « celles affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires », qui sont « la propriété indivise de ces derniers ». Du fait de leurs particularités, les parties communes spéciales sont soumises à un régime juridique spécifique, qui répond aux règles suivantes : 1- Leur existence est désormais subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété pour les immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022 Cette exigence, fixée par l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965, a pour objectif de limiter les contentieux qui pourraient naître de l’incertitude du régime applicable à certaines parties de l’immeuble. Par exemple, l’absence de qualification expresse des parties communes spéciales dans le règlement de copropriété pourrait engendrer des difficultés liées à la répartition des charges afférentes et constituer une source d’insécurité juridique pour la copropriété.
A l’origine, la loi ELAN accordait trois ans aux copropriétés pour mettre leurs règlements de copropriété en conformité avec ce nouveau texte. Le dispositif a été assoupli en 2022 et, désormais, le législateur distingue deux situations en fonction de la date de mise en copropriété de l’immeuble[1] : • Lorsque la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022, la loi exige l’inscription dans le règlement de copropriété de l’existence de parties communes spéciales. • Lorsque la mise en copropriété est antérieure à cette date, le syndicat des copropriétaires doit soumettre au vote de chaque assemblée générale la question de l’inscription de cette mention dans le règlement de copropriété. La décision est soumise au vote à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Il n’existe néanmoins pas de sanction liée à l’absence de mention dans le règlement de copropriété, qui n’emporte donc aucune conséquence sur l’existence des parties communes spéciales.
Le syndic engage sa responsabilité s’il ne respecte pas les règles fixées par l’article 209 II de la loi ELAN : il doit porter à l’ordre du jour de chaque assemblée générale la question de la modification du règlement de copropriété, jusqu’à ce que celle-ci soit adoptée.
Il appartient au syndic d’informer le syndicat des copropriétaires des règles en vigueur et des enjeux liés à l’absence de mention expresse aux parties communes spéciales dans le règlement de copropriété. 2- Elles doivent faire l’objet de charges spéciales
L’article 6-2 précise que « la création de parties communes spéciales est indissociable de l’établissement de charges spéciales à chacune d’entre elles ». Il s’agit de la consécration d’une jurisprudence constante qui considère que « la spécialisation de charges générales dans le règlement de copropriété ne peut s’imposer au juge en l’absence de détermination de parties communes spéciales »[2].
La répartition des charges spéciales exclura nécessairement les copropriétaires ne disposant d’aucun droit indivis sur les parties communes spéciales concernées[3].
3- Les décisions relatives aux parties communes spéciales doivent être prises par les copropriétaires concernés uniquement
L’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 précise que : « Les décisions afférentes aux seules parties communes spéciales peuvent être prises soit au cours d'une assemblée spéciale, soit au cours de l'assemblée générale de tous les copropriétaires. Seuls prennent part au vote les copropriétaires à l'usage ou à l'utilité desquels sont affectées ces parties communes. »
Qu’en est-il lorsque l’assemblée générale doit connaître de décisions concernant à la fois les parties communes spéciales et les parties communes générales ?
Cette situation a été tranchée en jurisprudence qui considère que, s’agissant de la tenue de l’assemblée générale, « lorsque les décisions concernent à la fois les parties communes générales et les parties communes spéciales, elles relèvent de la compétence exclusive de l’assemblée »[4]. Ces décisions ne peuvent donc pas être prises par l’assemblée générale restreinte. Très récemment, la Cour de cassation a jugé, s’agissant de la participation au vote, que, « lorsqu’une décision d’autorisation de travaux est afférente à la fois aux parties communes générales et aux parties communes spéciales, cette décision doit être adoptée par l’assemblée générale réunissant les copropriétaires des parties communes générales »[5].
Afin de limiter le risque de contestation d’assemblée générale, il est primordial d’identifier si les décisions concernent uniquement des parties communes spéciales ou aussi des parties communes générales, pour s’assurer que les modalités de vote appliquées sont conformes aux règles fixées par la loi et la jurisprudence.
[1] Article 209 II de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, modifié par la loi n°2022-217 du 21 février 2022 ; [2] Cass. 3ème civ. 19 novembre 2015, n°14-25.510 ; [3] Cour d’appel de Paris, 24 juin 1981 ; [4] Cour d’appel de Paris, 26 janvier 2000 : Administrer 8-9/2001. 39, obs. Bouyeure ; [5] Cass. 3e civ., 6 févr. 2025, n° 23-18.586.
Maitre Manuel Raison |