La minute droit de Maître Raison : désordres d’ordre acoustique

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Désordres d’ordre acoustique résultant d’un défaut de construction : que faire ?

 

L’isolation phonique des immeubles à usage d’habitation est un enjeu très important pour les constructeurs, qui ont l’obligation de se conformer aux « prescriptions légales ou règlementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d’isolation phonique »[1].
 

Les désordres acoustiques qui résultent d’un défaut de construction sont couverts par différents systèmes de garantie.
Pour rappel, les nouveaux ouvrages bénéficient notamment des garanties suivantes :
•    La garantie décennale ;
•    La garantie de parfait achèvement (GPA) ;
•    L’assurance dommages ouvrage.

 

 

    1- Le principe légal : l’application de la garantie de parfait achèvement pour réparer les désordres acoustiques.

•    La garantie de parfait achèvement (GPA)
L’entrepreneur est tenu à une garantie de parfait achèvement, qui « s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception »[2].
Il s’agit des vices et anomalies de construction qui n’affectent pas la solidité de l’ouvrage. Les désordres peuvent être apparents et ayant fait l’objet de réserves ou apparus dans l’année qui suit la réception[3].
Cette garantie est effective pendant un délai d’un an à compter de la réception de l’ouvrage, même si le désordre est apparu postérieurement.


La réception est définie par la loi comme « l’acte par lequel le maitre de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves »[2].

L’article L124-4 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que les travaux de nature à assurer la conformité de l’ouvrage avec les exigences légales et règlementaires en matière acoustique « relèvent de la garantie de parfait achèvement », et que « le vendeur ou le maître d'ouvrage est garant, à l'égard du premier occupant de chaque logement, de la conformité à ces exigences pendant un an à compter de la prise de possession ».

 

Le délai de mise en œuvre de la GPA a expiré...
Le syndicat des copropriétaires peut-il bénéficier de la garantie décennale et partant de l’assurance dommages ouvrage pour obtenir la réparation d’un désordre acoustique ?

 

 

    2- L’exception jurisprudentielle : l’application de la garantie décennale aux désordres acoustiques de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination.

Dans certains cas, la jurisprudence reconnaît la possibilité d’engager la responsabilité décennale pour garantir les désordres acoustiques.

•    La garantie décennale
Cette assurance garantit la responsabilité du constructeur de l’ouvrage, engagée de plein droit pour les dommages :
-          qui compromettent la solidité de l’ouvrage ;
-        qui affectent l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement et qui le rendent en conséquence impropre à sa destination.

Seuls les « éléments d’équipement de l’ouvrage » qui font « indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert », c’est-à-dire dont « la dépose, le démontage ou le remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage »[4], sont couverts par la garantie décennale.

La garantie peut être déclenchée pendant dix ans à compter de la réception des travaux[5].

•    L’assurance dommages-ouvrage (DO)
L’assurance DO garantit « en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation » des dommages relevant de la garantie décennale[6].

Cette assurance doit être souscrite par le propriétaire de l’ouvrage, son mandataire ou le vendeur de l’ouvrage, lorsqu’il fait réaliser des travaux.

L’assurance DO prend effet à compter de l’expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, et se termine en même temps que la garantie décennale, soit dix ans après la réception des travaux. Néanmoins, certaines réparations sont garanties avant l’expiration du délai de la GPA, en cas d’inexécution contractuelle de l’entrepreneur[7].

•    La prise en charge des désordres d'origine acoustique
Il est de jurisprudence constante que les désordres acoustiques relèvent de la garantie décennale lorsqu’ils sont causés par des défauts d’isolation de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination. C’est le cas notamment en présence de « nuisances sonores de nature à perturber de manière intolérable la vie des occupants »[8].

Cette position a été rappelée récemment par la Cour d’appel d’Aix en Provence, au sujet d’un désordre acoustique lié à des malfaçons affectant la pose du carrelage et des portes palières :
« (…) il est constant que les travaux de nature à satisfaire aux prescriptions légales et réglementaires en matière d’isolation phonique relèvent de la garantie de parfait achèvement prévue par l’article 1792-6 du Code civil. Cependant, l’existence d’un défaut de conformité et de nuisances acoustiques généralisées tant sous la forme de bruits d’impact que de bruits aériens doit conduire à retenir le caractère décennal de ces nuisances dès lors qu’elles compromettent la tranquillité des habitants et portent atteinte aux conditions de leur jouissance des lieux dans une mesure susceptible de rendre l’ouvrage impropre à sa destination. »


La garantie décennale est souscrite par les constructeurs, alors que la garantie dommages-ouvrage est souscrite directement par le maître d’ouvrage. Pour les immeubles neufs, le promoteur est maître d’ouvrage jusqu’à la vente de l’immeuble au profit du nouvel acquéreur, par exemple le syndicat des copropriétaires. Lors de la vente, il transmet les attestations d’assurance des constructeurs et dommages-ouvrage au syndicat des copropriétaires, lui permettant de les actionner si besoin.

La garantie décennale et l’assurance dommages ouvrage sont obligatoires. En conséquence, les personnes soumises à l’obligation d’assurance doivent pouvoir justifier qu’elles ont satisfait aux dites obligations. A défaut, elles s’exposent à une condamnation pénale  et encourent une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

Pour ne pas se trouver confronté à une copropriété refusant la souscription d’une assurance dommages-ouvrage obligatoire, le syndic a la possibilité de faire voter au sein d’une seule et même résolution d’assemblée générale les travaux et l’assurance dommage ouvrage [9]. 

Le syndic doit vérifier qu’il a bien récupéré de son prédécesseur tous les documents de nature à permettre d’appliquer les assurances constructeurs et à identifier les délais pour les actionner. Dès la reprise, il convient de faire un point sur les fins de délais pour éviter la perte de garantie du syndicat des copropriétaires et la mise en jeu de la responsabilité civile professionnelle du syndic.

 


    3- La mise en œuvre de ces garanties

L’article L114-1 du Code des assurances, qui prévoit que les actions découlant d’un contrat d’assurance se prescrivent par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance, est applicable à la mise en jeu des garanties. Il est donc indispensable de déclarer le sinistre dans les deux ans de sa survenance.

L’absence de souscription de contrats d’entretien peut être retenue par les assureurs pour refuser leur garantie, considérant que les désordres ne sont pas imputables à un vice de construction mais à un défaut d’entretien. Le syndic doit donc être très vigilant pour proposer, le cas échéant, au syndicat des copropriétaires de souscrire des contrats d’entretien et l’informer des risques encourus à défaut.

•    La mise en œuvre de la GPA nécessite que soit envoyée au préalable une mise en demeure préalable au constructeur, lui notifiant l’existence des désordres[10].

•    La mise en œuvre de l’assurance DO est fixée par l’article L242-1 du Code des assurances :


1)      La déclaration du sinistre est effectuée par l’assuré : dans les immeubles en copropriété, le syndic est chargé de la réaliser pour le compte du syndicat des copropriétaires, et les copropriétaires peuvent l’engager à titre personnel.


2)      L’assureur a un délai maximal de 60 jours à compter de la réception de la déclaration pour notifier à l’assuré le refus ou la mise en œuvre de la garantie.
En cas de mise en œuvre des garanties, l’assureur doit notifier une offre d’indemnité dans un délai de 90 jours à compter de la déclaration du sinistre. Si l’assuré accepte l’offre, l’assureur doit procéder à son versement dans un délai de 15 jours.
En cas de refus de garantie ou de désaccord sur le montant de l’indemnité, l’assuré peut assigner l’assureur DO, ainsi que tous les acteurs concernés par le désordre, aux fins d’obtenir une indemnisation judiciaire.
En absence de réponse de l’assureur à l’expiration du délai de 60 jours, la jurisprudence considère que « l’assureur ne peut plus contester le principe de sa garantie et doit indemniser l’assuré des dépenses nécessaires à la réparation des dommages résultant du sinistre déclaré »[7].

Toute action en contestation de la mise en œuvre de l'assurance dommages-ouvrage se prescrit par deux ans.

 

 

[1] L124-4 du Code de la construction et de l'habitation
[2] 1792-6 du Code civil
[3] Cour d’appel de Bordeaux, 16 mai 2024, n°23/05049
[4] 1792-2 du Code civil : 
[5] 1792-4-1 du Code civil
[6] L242-1 du Code des assurances,
[7] L242-1 alinéa 8 à 10 du Code des assurances
[8] Cour d’appel d’Aix en Provence, Chambre 1 4, 28 mars 2024, n°19/09309
[9] Cass. 3ème Civ., 28 janvier 2021, n°19-22.681
[10] Cour d’appel de Montpellier, 12 novembre 2024, n°23/00972


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